A quoi sert le salon de tissu Première Vision – le métier de styliste

Avant de me consacrer à temps plein à Petit Patron et le blog, j’étais styliste-modéliste pour d’autres entreprises. J’ai d’abord fait des études supérieures durant 3 ans pour apprendre les métiers de styliste et de modéliste. D’ailleurs, si vous êtes curieux de découvrir tout ce qu’on apprend en école de mode, je vous ai fait une vidéo complète sur mes 3 ans en école de mode à voir ou revoir ici. Après l’obtention de mon diplôme, je suis partie sur Paris durant 4 ans 1/2. J’ai aussi bien travaillé en tant que styliste, que modéliste ou encore styliste photo. Et justement, c’est quoi le métier de styliste ?

Aujourd’hui, je vous emmène découvrir la première étape du métier de styliste : un tour par le salon Première Vision. J’ai eu l’autorisation de filmer ce salon destiné uniquement aux professionnels du monde de la mode pour vous donner une idée de ce qui se passe derrière les vêtements que vous portez au quotidien.

Première Vision Paris est un salon qui n’a lieu que deux fois par an à Paris, il est réputé dans l’Europe entière et on y entend parler toutes les langues. Dans la mode, l’anglais est indispensable. Même dans une entreprise française, vous montez les fichiers techniques en anglais car, même si vos collègues de bureau vous comprennent, le dossier passera dans de nombreuses mains et risque fort de faire 3 fois le tour du monde. Il n’est donc pas rare d’entendre l’anglais sur les salons professionnels et justement, moi, mon anglais est naze, j’ai de magnifiques souvenirs de galères à regarder, en détresse, ma collègue avec un SOS dessiné dans les yeux. Cette fois, tout va bien, je suis allée au salon pour vous expliquer ce qu’on y fait et pour ça j’ai suivi Charlotte, la créatrice de Mimi & Cookie dans sa journée type sur le salon pour mieux vous illustrer les différentes étapes. Et Charlotte, elle, parle parfaitement anglais OUF !

Avant de rentrer dans les détails, le salon, bien qu’il ne propose que du tissu, n’est pas du tout une foire aux tissus mais bien un salon destiné aux professionnels. Inutile de tenter de vous y rendre si vous n’êtes pas un professionnel de la mode qui consomme des dizaines de mètres à la collection minimum. L’accueil n’est pas dingue pour les « petits créateurs » car rares sont les fabricants qui vendent à moins de 50m la référence ( une référence est un seul tissu dans un seul coloris donc si vous voulez du rouge, du bleu et du jaune du même tissu, il faudra 3x 50m) et c’est important à savoir avant de vous lancer sur ce salon.

Une fois son badge en poche, on entre donc dans ce temple du fabricant de la mode. La première fois, c’est assez surprenant, ce sont d’immenses salles ( préparez les baskets, on va faire plus de 10km de marche sur quelques heures). On retrouve plus de 1900 exposants sur le salon, tous dans des box blancs. C’est justement ça qui m’a surpris la première fois. Rien de fun dans ce salon, ce ne sont que des commerciaux qui attendent les acheteurs & stylistes pour présenter les nouvelles collections et vendre.

Avec Charlotte, nous avons commencé par faire le tour des forums. Ce sont des installations faites par Première Vision avec l’aide des bureaux de tendances. J’ai fait mon stage de fin d’étude dans un bureau de tendances. C’est le premier maillon d’une collection. Dans un bureau de tendances, on cherche les grandes tendances (motifs, style, couleurs, forme…) qui arriveront 2 ans en avances. On met tous ça dans un cahier que l’on vend aux clients. C’est pour cela que les collections se ressemblent tant chez les grandes marques. Il y a une sorte de guide qui explique ce qui va marcher et ainsi permet de ne pas se « planter » avec une tendance qui ne plait pas. Même si ça parait fou car ici je fais un énorme résumé, en réalité en dehors des tendances de mode, tout influ sur un comportement d’achat. Quand un pays est en crise il ne consomme plus de la même manière, jusque là c’est logique, mais du coup, le consommateur cherche à s’évader alors par exemple, on a tendance à voir des épaules larges, carré et imposante en période de crise là ou on verra plus souvent des vêtements plus fluide et loose en période plus « agréable ». On analyse absolument tout ce qui se passe aussi bien dans la rue, sur les scènes musicales qu’au niveau économique et politique.

Et justement, pour bien cerner tout ça, le salon Première Vision créé des espaces, un peu partout dans le salon qui expliquent les tendances qui émergent mais aussi montrent les nouveautés. On trouve donc des morceaux de tissus réunis ensemble pour donner les grandes inspirations. On y trouve aussi LA gamme de couleur officielle de la saison qui guide tous les créateurs. C’est un graal pour chaque styliste, de cette gamme va découler la prochaine collection (sur le salon on travail 1 an avant que la collection ne sorte en magasin). Les forums permettent aussi de découvrir les tissus qui se trouvent caché dans les différents stands des fournisseurs. On prend donc les références pour ensuite se rendre sur le stand et ainsi découvrir la collection complète.

Après avoir fait le tour des forums qui intéressent Charlotte (elle ne travaille que dans l’univers de l’enfant). On se rend donc sur les différents stands. Certains sont déjà connu par Charlotte qui a rendez-vous avec un de leur commerciaux pour découvrir les nouveautés et ainsi faire des demandes d’échantillons (petit morceau de 30 cm sur 30 cm en général). Sur le stand on regarde les différents tissus puis on sélectionne ce qui nous plait et on demande des robracs (les fameux échantillons). On les reçoit quelques temps plus tard au bureau et ils permettent ensuite de définir l’harmonie de la collection. Ce n’est qu’après avoir sélectionné les tissus qu’on dessine les modèles. Un modèle ne peut pas être dessiné sans le tissu dans lequel il sera fait. On a bien sur une idée déjà précise mais le tombé, le poids, l’aspect du tissu auront tellement d’impact sur le rendu final qu’il faut toujours faire les choix avec le tissu dans la main.

C’est d’ailleurs pour cela que vous êtes parfois déçu de vos projets couture. L’envie est forte de dire que le patron est « merd**** » et pourtant entre le choix du tissu qui n’a été fait que pour sa couleur ou son motif au lieu d’être choisi pour sa composition et son tissage adapté aux recommandations du patron puis la coupe faite « à peu près bien » et enfin les coutures à 0,7 parce que vous aviez la flemme de coudre à 1 cm, c’est tout ça qui déforme le modèle au point de le rendre importable. Car un tissu trop raide n’aura jamais le tombé fluide de cette jolie petite robe dont vous rêviez. En plus si vous avez coupé en ajoutant 1 ou 2 mm et que vous avez cousu plus ou moins à 1 cm, tout ça peut agrandir ou rétrécir le vêtement de 4 à 10 cm facilement.

C’est donc pour cela que le choix du tissu est primordial pour un styliste. Alors, sur le salons, on enchaîne les rendez-vous entre les marques que l’on connait déjà (ohhh coucou Liberty), mais aussi les fabricants qu’on ne connait pas mais que l’on a repéré sur les forums. Après le tissu, on s’attaque à la mercerie, au packaging… tout ce qui est nécessaire pour mettre debout une collection est présent sur le salon. C’est donc un sacré boulot de rencontrer chaque fournisseur qui nous intéresse pour découvrir les collections, parler des minimums de commande et enfin commander les échantillons. Parce que oui, la plus grosse difficulté quand on est un petit créateur, c’est la quantité minimale. Certains fabricants accepteront 6 m minimum, mais à un prix quasi proche de celui que vous payez, vous, en magasin. Or, pour être rentable, il est impossible de payer le prix fort (il y a énormément d’autres frais à prendre en compte). Le métrage minimum le plus courant est de 50m mais cela peut être 1000m aussi. Et là, et bien c’est compliqué quand on est une petite structure car, si on veut 5 tissus différents pour la collection, on ne pourra pas forcément acheter 5x 50m pour une seule collection.

En fin de journée, on fait forcément une pause pour les pieds qui crient au scandale « marcher autant sans changer de décor quelle honte ! » et on fait le bilan. Si la journée a été bonne, inutile de revenir le lendemain, mais parfois il faut y revenir sur les 3 jours. De notre côté, une journée était suffisante. Il ne reste plus qu’à dessiner la collection, faire les patronages, valider les prototypes, commander le matériel, produire les produits et les envoyer aux revendeurs. Mais ça, c’est l’affaire de Charlotte. De mon côté, je ne fais que vous raconter les coulisses, ouf ! Quoi que… j’ai une collection de patrons à préparer avec l’équipe Petit Patron pour 2020… le temps passe et il faudra que l’on boucle la collection ! Du coup, je vous laisse ! Tout ce que je vous ai raconté aujourd’hui est illustré dans ma vidéo  » A quoi sert le salon Première Vision ».

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